La culture des champignons

La culture du pleurote sur copeaux de bois crus

Publié le 2023-03-17

Voici une des techniques les plus simples afin de cultiver des pleurotes sur des copeaux de bois crus.

À l’été 2022, nous avons réalisé des essais de culture sur la ferme La Récolte de la Rouge avec une aide financière de la MRC des Laurentides.

Pourquoi des copeaux de bois crus et non du bois raméal fragmenté (BRF) ?

L’avantage d’utiliser des copeaux de bois crus provenant d’une scierie de feuillus est que ce substrat est très riche en carbone, pauvre en azote, de bonne qualité et exempts de dégradation. Le bois raméal fragmenté provient des rameaux d’arbres qui contiennent beaucoup plus d’azote que les copeaux utilisés dans ce projet. Lorsque le BRF est utilisé comme substrat, il y a plus de risques de contamination par des bactéries. Il est possible de pallier à cela en traitant thermiquement le substrat (pasteurisation) et en évitant ou diminuant la supplémentation de matière riche en azote.

Origine de la technique d'implantation sur copeaux de bois crus

La technique utilisée à la ferme La Récolte de la Rouge a été inspirée par les essais faits en 2021 par l’équipe de SymbiOse AlimenTerre. Cette entreprise voulait valoriser ses résidus de production avec la culture des champignons. Comme substrats de culture, ils ont donc utilisé leurs résidus d’écales de pois avec des copeaux de bois crus, des résidus d’une scierie locale. Les écales de pois ont été trempées dans de l’eau avec de la chaux. Ensuite, les écales humides ont été mélangées avec les copeaux et le mycélium. La recette de SymbiOse AlimenTerre est composée d’environ 2,8 tonnes de copeaux (deux remorques), de 400 litres d’écales de pois trempés dans l’eau avec de la chaux ainsi que 40 sacs de mycélium de pleurote de 2,2 kg. Les quantités exactes d’écales mélangées avec les copeaux n’étaient pas précises. Alors, il était difficile de répliquer exactement la même recette.

Technique de culture mis en place à La Récolte de la Rouge

L’implantation en 2022 à La Récolte de la Rouge a été effectuée tardivement, le 25 juillet, en pleine canicule sur une planche d’environ 21 mètres carrés qui contient des plants de camérisiers. La planche a été séparée en trois parcelles, une parcelle témoin d’un mètre carré implantée avec une technique traditionnelle et deux parcelles de dix mètres carrés chacune implantées avec les copeaux de bois crus et différentes concentrations de mycélium.

Pour la technique des copeaux de bois crus, environ 1,4 tonne de copeaux d’érables et de bouleaux (une remorque) a été utilisée afin d'effectuer l’implantation sur 20 mètres carrés. Important : Cette technique est possible seulement avec des copeaux frais, de bonne qualité et exempts de dégradation.

Du tourteau de soya bio a été utilisé au lieu des résidus d’écales de pois afin de respecter la certification biologique de la ferme. Étant donné que le tourteau est trois fois plus riche en azote que l'écale, nous avons décidé d'utiliser environ 400 g de tourteau humide par mètre carré, donc au total 8 kg (0,4 kg x 20 mètres carrés). Pour faire le tourteau humide, 4 kg de tourteau sec ont été mélangés avec environ quatre litres d’eau qui contenait de la chaux. Un total de 160 g de chaux a été utilisé. Ensuite, le tourteau humide a été stérilisé pendant deux heures à l'autoclave dans des sacs spécialisés.

Notez-bien : Cette étape pourrait être simplifiée en utilisant une matière azotée qui est déjà traitée par un processus de granulation, tel que la moulée bio pour lapin (mélange de luzerne). Ces granules contiennent la même quantité d'azote que les écales de légumineuses. Utiliser cette matière ne nécessite pas de traitement thermique (stérilisation ou pasteurisation). Il faudrait alors tremper ces granules dans le l’eau avec un peu de chaux avant de les mélanger aux copeaux et au mycélium. Cependant, les concentrations à utiliser avec cette matière restent à tester. L'azote peut favoriser la croissance du mycélium, mais une trop grande quantité peut aussi favoriser la contamination bactérienne ou de moisissures. 

Le mycélium a été mélangé au tourteau dans un bac afin de lui permettre d’adhérer afin de coloniser rapidement cette matière riche en azote. Ensuite, ce mélange a été intégré aux copeaux de bois sur les planches de culture. Le mycélium doit être réparti uniformément dans les copeaux de bois afin de favoriser une colonisation rapide.

Une fois l'implantation effectuée, la planche a été arrosée, afin d’augmenter l’humidité dans le substrat. Ces copeaux contiennent environ 40 % d’humidité, alors que le mycélium préfère environ 55 %. 

Trois recettes d’implantation testées

Nous avons décidé lors de ces essais d'effectuer trois implantations différentes dans la planche de culture.

1. Parcelle témoin avec un substrat pasteurisé : La première parcelle d’un mètre carré sert de témoin puisque la méthode d’implantation est bien connue et utilisée depuis plusieurs années chez Violon et Champignon. Cependant, elle demande plus de travail, car elle implique de pasteuriser le substrat de sciure de bois (granules de bois franc) et de matière azotée. Elle consiste à ébouillanter les substrats.

2. Parcelle avec copeaux de bois crus et un sac de mycélium par mètre carré : Ensuite, nous avons implanté dix mètres carrés de substrat en utilisant qu’un seul sac de mycélium (environ 2,2 kg) par mètre carré. 

3. Parcelle avec copeaux de bois crus et deux sacs de mycélium par mètre carré : La troisième et dernière parcelle de dix mètres carrés a été implantée en utilisant deux sacs de mycélium (environ 4,4 kg) par mètre carré.

Résultats

Un système de brumisation a été installé seulement deux semaines après l'implantation pour irriguer. Il se peut que la planche de culture ait manqué d’eau et que cela a retardé la fructification des champignons.

La première récolte a été effectuée le 29 septembre et la dernière, le 21 octobre. Des couvertures thermiques ont été utilisées vers la fin de la saison afin de protéger les pleurotes du gel. Étant donné que l'implantation a été effectuée tardivement, le 25 juillet, nous croyons qu'il y aurait pu y avoir plus de rendement si l’implantation avait été faite plus tôt. Cependant, il est probable qu’il y ait une petite production au printemps 2023.

La parcelle témoin avec la technique traditionnelle a donné un rendement de 7 kg de pleurote par mètre carré. L'implantation dans la parcelle qui a reçu deux sacs de mycélium par mètre carré avec les copeaux de bois a donné 5,7 kg de pleurote par mètre carré, tandis que l'implantation dans les copeaux de bois qui ont reçu 1 sac de mycélium par mètre carré a produit 4,2 kg de pleurote par mètre carré.

Cette étude met en lumière une observation que nous avons déjà effectuée, soit qu'augmenter la quantité de mycélium par mètre carré permet d'augmenter les rendements. Dans une optique économique, il est intéressant d’évaluer la rentabilité d’ajouter un sac supplémentaire par mètre carré (selon vos prix de vente et vos coûts de main-d’œuvre si vous cultivez des champignons de façon commerciale). En ce sens, nous avons observé, chez Violon et Champignon, que le temps de récolte pour un kg de champignons est réduit lorsque la production est plus dense, ce qui apporte des économies de temps. Pour La Récolte de la Rouge, l’implantation de deux sacs de mycélium par mètre carré s’est avérée rentable.

Avec la production très tardive, des couvertures thermiques ont été utilisées vers la fin de la saison afin de protéger les pleurotes du gel.

Système de brumisation

Remerciements

Nous remercions toute l'équipe de La Récolte de la Rouge, ainsi que SymbiOse AlimenTerre et la MRC des Laurentides pour ce projet. Ces projets nous permettent de ramasser des données afin de faire avancer la culture des champignons au Québec ! Un remerciement spécial à Catherine Baltazar pour les belles photos !

Vincent Leblanc

En plus d’être membre de l’Ordre des agronomes du Québec, Vincent a suivi cinq formations se rapportant à l’agroenvironnement. La création de son entreprise Violon et Champignon est le fruit des nombreux systèmes novateurs en agriculture qu’il a conçus, expérimentés et mis en œuvre. Il se spécialise maintenant dans la mise en production de champignons, ne cesse d'expérimenter de nouvelles espèces et ne recule devant aucune innovation pour en élargir le répertoire. Il est considéré comme l'un des plus créatifs et des plus dynamiques dans ce créneau !

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